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Exposition in utero au diéthylstilbestrol : quels sont les risques?

Le dié­thyl­stil­bes­trol (DES) est un puissant œstrogène de synthèse non stéroïdien découvert en 1938. Commercialisé en 1948 sous le nom de Distilbène, il était prescrit aux femmes enceintes, en vue de prévenir les fausses couches, les accouchements prématurés et les avortements répétitifs.

Après plusieurs décennies d’utilisation, des chercheurs ont révélé une association possible entre le DES et le développement de certaines maladies chez les femmes exposées. Le cancer du vagin et l’augmentation du risque d’infertilité sont entre autres incidences graves de l’utilisation de ce médicament.

Généralités sur le diéthylstilbestrol

Le dyéthylstibestroĺ ou DES, est un œstrogène de synthèse utilisable par voie orale. Il a été synthétisé en 1938 par le chercheur britannique Charles Dodds, dont le but était d’en faire un moyen de prévention contre les avortements spontanés et répétitifs. En effet, le taux d’avortements lié aux risques d’accouchements prématurés, était élevé à cette époque. Pour aider à réduire ces cas, le dyéthylstibestroĺ avait alors été proposé comme solution, à travers une exposition.

Les premiers essais de la molécule sur des témoins ont montré des effets satisfaisants, avec toutefois plusieurs répercussions négatives. Ces effets ont été jugés minimes et sans dangers majeurs pour les femmes. Le DES a donc été mis sur le marché pour une utilisation en grande masse sous prescription médicale. Cette mise sur le marché avait pourtant été effectuée sur fond de désaccord dans le rang des chercheurs.

En effet, des doutes sur l’efficacité de la molécule avaient été soulevés en 1938. Bien qu’ils n’eussent pas été établis à l’époque, ces doutes étaient fondés sur les propriétés cancérigènes que pourraient avoir l’œstrogène en général, et le diéthylstilbestrol en particulier. Un autre œstrogène, le bisphénol A, dont les propriétés étaient reconnues être plus saines, avait été recommandé en remplacement du DES.

Cette proposition fût rejetée, en raison de l’enjeu économique plus favorable au diéthylstilbestrol. La production de la molécule était financée par les fonds publics britanniques. De plus, la possibilité de la produire en grand nombre et à un moindre coût constituait des arguments qui lui étaient favorables. L’absence de brevet a également ouvert le champ aux laboratoires, qui ont massivement produit la molécule durant plusieurs décennies.

En dehors de la Grande Bretagne, pays d’origine du médicament, plusieurs autres pays ont autorisé l’utilisation du dyéthylstibestroĺ. En France par exemple, la molécule était connue sous les dénominations suivantes :

  • Distilbène ;
  • Stilboestrol-borne ;
  • Cycladiène.

Le pic de l’utilisation du produit avait été atteint au début des années 1970, et il a été retiré du marché en 1977. Durant la période où elle a été autorisée en France, la molécule a été administrée à environ 200.000 femmes (entre 1948 et 1976). Ce chiffre est d’autant plus surprenant que l’inefficacité du produit avait été démontrée déjà en 1953, à travers une étude menée par W. J. Dieckmann. L’étude ainsi que le risque de complications graves qu’elle rappelait ont donc été ignorées.

Cependant, une prise de conscience collective a été notée en 1974, lorsque le premier cas d’adénose vaginale a été notée chez une jeune femme dont la mère a été traitée au diéthylstilbestrol durant sa grossesse. L’interdiction du DES pour les indications liées aux grossesses a été notée dans plusieurs pays, dont les États-Unis et la Grande Bretagne (1973), puis les pays et l’Irlande respectivement en 1975 et en 1976.

En France, ce n’est qu’en 1977 que l’agence française du médicament a officiellement reconnu les cas de complications liées à l’exposition in utéro au diéthylstilbestrol. Tous les dérivés du médicament étaient alors contre-indiqués. Toutefois, il est important de souligner que la décision était arrivée trop tard pour sauver plusieurs milliers de personnes des diverses pathologies graves liées à leur exposition au diéthylstilbestrol.

Les effets secondaires liés à l’exposition in utéro au diéthylstilbestrol

Les femmes ayant été traitées au DES entre 1948 et 1977, ont donné naissance à environ 160.000 enfants. Ces enfants constituent la génération exposée chez qui, de graves séquelles se sont révélées. Les séquelles se sont notamment traduites par des anomalies. Ces anomalies sont notées, aussi bien chez l’homme que chez la femme. Bien qu’ils soient minoritaires, les garçons nés de femmes traitées au DES présentaient diverses malformations génitales.

Les malformations congénitales les plus fréquentes étaient la cryptorchidie, le juste de l’épididyme et l’atrophie testiculaire. La cryptorchidie est une malformation caractérisée par la non descente d’un testicule à la naissance. Le kyste de l’épididyme est quant à lui, une affection du conduit situé entre le testicule et la prostate. L’atrophie testiculaire est caractérisée par une taille anormalement réduite des testicules à la naissance.

Il est important de souligner que ces anomalies sont bénignes et ne présentent pas de complications graves pour les sujets. La complication la plus redoutée est une infertilité. Cependant, plusieurs études ont démontré que l’exposition in utéro au DES n’augmente pas le risque d’infertilité chez les hommes exposés.

Une autre complication grave est la survenue d’un cancer du testicule. Les études réalisées à ce sujet ne convergent pas. Il faut tout de même remarquer que les hommes nés de femmes traitées au DES (entre 1947 et 1976 ) ne peuvent contracter cette pathologie. Ces derniers ont atteint en 2018 l’âge (40 ans) après lequel ils ne peuvent plus être atteints. Les répercussions chez les femmes sont plus nombreuses et classifiables selon qu’elles touchent le vagin, le col, l’utérus ou encore les trompes.

Les répercussions du DES sur le vagin et le col

Plusieurs conséquences sont à noter au niveau de l’appareil génital des femmes exposées au diéthylstilbestrol. Ces conséquences se traduisent entre autres, par des anomalies au niveau du vagin et du col de l’utérus. L’adénocarcinome à cellules claires (ACC) est l’une des pathologies que risquent de contracter les femmes exposées au DES. L’ACC est en effet un cancer qui touche le vagin et le col de l’utérus.

Le risque est plus élevé chez les femmes dont la mère a été traitée au diéthylstilbestrol pendant les seize premières semaines de la grossesse. Même si plusieurs dizaines de cas ont déjà été notées au fil des années, le risque global est évalué à une chance pour mille, entre la naissance et l’âge de 34 ans. Cependant, une autre pathologie présente un taux d’affection plus élevé.

Il s’agit de l’adénose vaginale, qui est caractérisée par un changement d’emplacement de la muqueuse utérine du col de l’utérus. Cette pathologie atteint au moins 60 % des femmes exposées. Ses complications notables sont le saignement et l’infection de la lésion occasionnée par le déplacement de la muqueuse. Des solutions thérapeutiques existent toutefois pour soulager les femmes atteintes.

Parmi ces options de traitements, on compte notamment l’électrothérapie, la conisation ou encore le laser. Il faut toutefois faire remarquer que ces modes de traitement sont jugés trop agressifs sur le col de l’utérus. Ils peuvent donc avoir comme séquelle une infertilité dite cervicale. Cette forme d’infertilité est générée par les anomalies quantitatives ou qualitatives de la glaire cervicale, survenant avant toute ovulation.

Les répercussions du DES sur l’utérus

Les anomalies utérines notées chez certaines femmes sont d’abord liées à l’aspect physiologique de l’utérus. Les formes et les tailles anormales de l’utérus seraient en effet dues à l’exposition in utéro au diéthylstilbestrol. Ces anomalies comptent parmi les causes fréquentes de stérilité chez les femmes exposées.

Les anomalies les plus récurrentes sont celles relatives à la forme en T de l’utérus isolée, à l’hypoplasie de l’utérus et au rétrécissement de certaines parties réduites. La probabilité de survenue de l’une ou l’autre de ces anomalies dépend de la période durant laquelle le traitement par DES a été pris.

Quant au risque de stérilité associé à ces malformations, il n’est pas toujours certain. Cela se justifie par le fait que l’infertilité d’origine utérine n’est pas du seul fait de ces anomalies.

Des atteintes endométriales sont également à redouter chez les femmes exposées. Ces atteintes se caractérisent notamment par une absence d’homogénéité durant la pré-ovulation et la période de nidation. Des anomalies de vascularisation de l’utérus complètent la liste des répercussions utérines de l’utilisation de DES durant la grossesse.

Les autres formes de répercussions liées à l’utilisation des diéthylstilbestrol

Plusieurs autres répercussions du DES aux fréquences variables sont à noter. D’abord, elles concernent le dysfonctionnement des ovaires. L’anomalie des fonctions ovariennes se manifeste entre autres, par une ménopause avancée chez les femmes exposées. Ces dernières ont également des chances de développer l’endométriose, ainsi que des grossesses extra-utérines. Il faut toutefois indiquer que ces deux anomalies sont moins courantes que les autres.

Les conséquences de l’exposition in utéro sont également psychologiques. L’incapacité de concevoir crée un climat de culpabilité réciproque entre la mère traitée au diéthylstilbestrol, et sa fille exposée. Ce ressenti peut rapprocher les deux, ou au contraire les éloigner. Aussi, le sentiment d’échec dans le processus de procréation peut être source de dépression pour la fille par exemple. Des troubles de neurodéveloppement ont également été diagnostiqués chez les enfants des filles exposées au DES.

Le diagnostic et la prise en charge des femmes atteintes d’infertilité liées aux DES

Les femmes exposées atteintes d’infertilité doivent faire l’objet d’une attention particulière durant le diagnostic et la prise en charge. D’abord, il est impérieux d’établir l’effectivité de l’exposition in utéro au diéthylstilbestrol.

L’interrogatoire précédant les examens gynécologiques, permet de l’établir en théorie. Toutefois, il est recommandé de chercher à avoir confirmation auprès de la mère, ou du médecin ayant prescrit le diéthylstilbestrol si ce dernier vit toujours.

Dans tous les cas, cette étape du diagnostic est capitale, car elle permet surtout de déterminer si l’infertilité est du fait de l’homme ou de la femme. Ensuite, la femme exposée doit subir un ensemble d’examens qui constitue le bilan de fertilité. Il s’agit notamment des examens tels que :

  • Un bilan d’imagerie ;
  • L’Hystérosalpingographie ;
  • L’échographie pelvienne ;
  • L’hystéroscopie ;
  • L’IRM ;
  • Le bilan hormonal.

L’ensemble de ces examens permet de déterminer l’implication du diéthylstilbestrol dans l’infertilité de la femme, et surtout de proposer une prise en charge adéquate. Si l’infertilité est confirmée chez la femme exposée, la prise en charge sera dédiée à l’assistance médicale à la procréation. Ainsi, plusieurs options seront proposées au couple. Il s’agit notamment de l’insémination intra-utérine et de la fécondation in vitro.

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