Santé

Maltraitance infantile : Un outil de repérage et de signalement pour professionnels de santé

La maltraitance infantile n’est pas l’apanage des pays à faibles ou moyens revenus. Ce problème de santé publique prévaut aussi dans les régions développées. En France par exemple, près de 5 % des enfants subissent toute forme de violences. Selon la Haute Autorité de la Santé (HAS), ce taux n’est pas fiable, car l’existence du phénomène est sous-estimée par la population. De plus, il y a une sous-déclaration des cas. Consciente du fait que les professionnels de santé sont très en contact avec les enfants, l’institution a décidé de miser sur eux pour sauver des vies. Pour cela, un outil a été mis à leur disposition. Voici ce qu’il contient.

La fiche mémo de la HAS : L’outil de référence des professionnels de santé pour dénoncer les violences chez l’enfant

Depuis quelques années, la Haute Autorité de la Santé (HAS) a initié des travaux pour prévenir et s’occuper des personnes victimes de violences. Spécifiquement dans le cas des enfants, l’institution s’est rendu compte qu’il y a très peu de dénonciations, surtout de la part des professionnels de santé.

Pourtant, ces derniers en raison de leur métier constituent les personnes les mieux placées pour identifier des signes de maltraitance chez un enfant. Il faut avouer que si le corps médical semble si isolé en ce qui concerne ces mauvais traitements que subissent certains enfants, c’est parce qu’il ne dispose pas d’une formation adéquate.

Concrètement, ces professionnels de santé ne semblent pour la grande majorité pas en mesure de diagnostiquer une maltraitance. De plus, ils ignorent la démarche à adopter pour protéger ou sauver la vie de ces enfants qui font l’objet de violences. C’est dans cette optique que la HAS a élaboré une fiche mémo vraiment complète, intitulée Maltraitance chez l’enfant : repérage et conduite à tenir.

Le contenu de la fiche Maltraitance chez l’enfant : repérage et conduite à tenir

La fiche mémo élaborée par la Haute Autorité de la Santé est un document d’une douzaine de pages qui porte sur les enfants victimes de maltraitance et ceux en risque de subir cette catégorie de mauvais traitements.

De façon plus précise, cet outil publié en octobre 2014 puis mis à jour en juillet 2017 contient toutes les informations que nécessitent les professionnels de santé pour effectuer un bon repérage et signalement d’une quelconque forme de maltraitance chez l’enfant. Ce n’est donc qu’au corps médical que cette fiche est particulièrement destinée.

Ainsi, les professionnels susceptibles de consulter ce document et de mettre en pratique les conseils qui s’y trouvent sont entre autres les :

  • Paramédicaux et médecins des services de radiologie, de pédiatrie et des urgences ;
  • Infirmières et médecins scolaires ;
  • Psychiatres ;
  • Pédiatres ;
  • Puéricultrices et médecins de PMI ;
  • Sages-femmes ;
  • Médecins généralistes ;
  • Paramédicaux et médecins des services médico-sociaux.

Ces deux derniers professionnels, mais ici des structures d’accueil de la petite enfance sont aussi concernés. Par ailleurs, il s’avère nécessaire de préciser que les données contenues dans ladite fiche sont sectionnées en trois parties. La première porte sur l’identification de la maltraitance et les solutions y afférentes.

La deuxième rapporte des conseils sur trois situations particulières de maltraitance d’enfants. En ce qui concerne la troisième partie, elle est relative aux annexes. L’outil en présente deux. L’un renseigne sur les aspects réglementaires et législatifs puis l’autre propose un modèle de signalement établi par un collège d’institutions en lien avec l’enfance.

Maltraitance infantile : La démarche de repérage selon la fiche mémo de la HAS

La HAS estime que lors de la consultation d’un enfant, tout professionnel de la santé doit toujours avoir à l’esprit l’idée que le gamin pourrait être victime d’une maltraitance. Le médecin doit donc rester vigilant dans l’exercice de ses fonctions.

D’ailleurs, certaines situations selon la fiche mémo doivent pouvoir attirer son attention et l’inciter à réaliser le diagnostic de la maltraitance. Chez les parents, il s’agit de :

  • Troubles psychopathologiques ;
  • Violences conjugales ;
  • L’isolement en premier lieu moral et ensuite social ;
  • Antécédents personnels de violences vécues durant l’enfance ;
  • Addictions ;
  • Tout événement susceptible de compliquer l’attachement avec le nouveau-né comme une dépression du post-partum.

Chez l’enfant, les situations qui pourraient faire suspecter une maltraitance sont le handicap, la présence de troubles du comportement et/ou du développement et la prématurité. Par ailleurs, que ce soit du côté de l’enfant ou celui du parent, la présence de l’un ou l’autre de ces éléments suffit au médecin pour penser à poser le diagnostic de la maltraitance.

Les signes évocateurs d’une maltraitance

Lorsque le médecin décide de passer au diagnostic de la maltraitance, certains signes doivent lui faire évoquer la présence de mauvais traitements. Ces éléments d’identification sont de cinq ordres.

Les signes comportementaux de l’enfant

Il s’agit de :

  • Troubles du comportement alimentaires, des cauchemars et du sommeil ;
  • L’imprévisibilité et de la labilité de l’état émotionnel et/ou du comportement ;
  • La gentillesse excessive de l’enfant avec les inconnus ou son affection sans discernement ;
  • Repli sur soi-même de l’enfant, son évitement du regard ou son comportement craintif ;
  • Comportement d’agressivité ou d’opposition ;
  • Changement sans raison précise de l’attitude habituelle de l’enfant dans tous les environnements qu’il fréquente.

Il s’agit entre autres de l’école, de la maison et d’autres lieux en dehors de ces deux.

Les signes physiques

À ce niveau, la maltraitance peut être évoquée face aux ecchymoses, notamment :

  • De grande taille ;
  • Dessinant l’empreinte d’une main ou d’un objet ;
  • Au niveau de parties concaves du corps telles que les joues ou les oreilles ;
  • D’âge différent et multiple ;
  • Chez un enfant qui se déplace à 4 pattes ;
  • Présentes sur des zones du corps (comme les cuisses) portant rarement ce genre de lésions.

Le même diagnostic devra être posé en présence de brûlures :

  • Au niveau des plis ;
  • Par contact ;
  • À bord net ;
  • Sur les parties du corps (comme les fesses) habituellement protégées par les vêtements ;
  • Au niveau des chevilles (contention par liens) ou des poignets (lésions d’abrasion).

Les morsures constituent également des signes physiques évocateurs de maltraitance.

Les fractures

Les signes qui doivent attirer l’attention ici sont les fractures possédant des caractéristiques spécifiques à l’imagerie et celles multiples d’âge différent. Ces éléments concernent les enfants de tout âge. Particulièrement chez le nourrisson, ce sont toutes les formes de fractures non associées à un traumatisme à très forte énergie qui aident au diagnostic.

Lésions viscérales

Dans cette catégorie de lésions, les signes qui doivent alerter sont :

  • La pâleur ou autres signes d’hémorragie interne ;
  • Les vomissements ;
  • Les nausées ;
  • La lésion de viscère creux ou d’organe plein.

Concernant ce dernier point, l’élément qui doit spécifiquement faire suspecter la maltraitance est le manque de précision ou de clarté en ce qui concerne sa circonstance de survenue.

Les signes de négligences lourdes

Une négligence de nature lourde freine le développement de l’enfant. Elle peut dans certains cas provoquer la mort de ce dernier. La négligence lourde dans le cadre de la maltraitance concerne tous les aspects de la vie de l’enfant à savoir :

  • Son éducation ;
  • Sa sécurité ;
  • Son alimentation ;
  • Ses soins médicaux (le retard à le conduire aux soins).

L’hygiène et le rythme du sommeil sont aussi des contextes concernés.

Les signes comportementaux de l’entourage

À ce niveau, les actes peuvent être posés vis-à-vis de l’enfant ou des personnes qui interviennent dans l’affaire de la maltraitance. Dans le premier cas, il s’agit :

  • De l’adulte ou du parent qui prend la parole à la place de l’enfant lors de la consultation et qui est intrusif au point de s’opposer à cette dernière ;
  • L’indifférence à l’égard de l’enfant par l’adulte ou le parent ;
  • Une proximité corporelle suspecte ou exagérée de la part de l’adulte ou du parent à l’endroit de l’enfant ;
  • Une opposition aux vaccinations obligatoires par les parents ;
  • Une adoption malgré l’interdiction des médecins de régimes alimentaires susceptibles de provoquer des carences.

Dans le second cas, les signes comportementaux de l’entourage de l’enfant sont :

  • L’opposition aux investigations médicales ;
  • Le comportement de recours excessif aux soins ;
  • L’accusation ou le dénigrement de l’enfant ;
  • Toute forme de suivi médical non associé à un motif sérieux ;
  • La contestation, la banalisation ou la minimisation des symptômes de l’enfant.

Cette dernière ligne de comportements lorsqu’elle concerne les dires de l’enfant sont aussi à prendre en compte.

Les signes de maltraitance psychologique

Ce groupe de signes de mauvais traitements susceptibles d’être infligés à un enfant comprend :

  • Les injonctions paradoxales ;
  • L’emprise et les insultes ;
  • Les exigences exagérées et humiliations fréquentes ;
  • La discontinuité des interactions.

Il faut préciser que ces diverses lésions possèdent valeur utile quel que soit l’âge de l’enfant. Particulièrement dans le cas du nourrisson, il est question de troubles de comportement (en rapport avec un défaut de l’attachement) ou ceux d’interactions précoces.

Les méthodes de recherche des signes de maltraitance

Pour identifier les signes de maltraitance chez l’enfant, le professionnel de santé possède trois possibilités.

Réaliser un examen clinique

Ici, il va s’agir pour le médecin de dévêtir l’enfant et de rechercher sur son corps des traces de violence. Au cours de cet examen, le praticien doit également observer le comportement de l’enfant. Outre cela, il doit procéder à :

  • La recherche de signes d’hémorragie interne par atteinte viscérale ou de fractures en effectuant une palpation généralisée ;
  • L’identification de lésions au niveau des muqueuses et des dents ;
  • Une évaluation des capacités psychomotrices et du développement de celles-ci ;
  • Une mesure des facteurs de croissance comme le poids.

Ces derniers une fois évalués doivent être reportés sur une courbe.

Effectuer un entretien

Le médecin doit s’entretenir avec l’enfant. Cette démarche ne sera possible que si ce dernier est consentant et que son âge le permet. Si les conditions sont réunies, le praticien doit poser à l’enfant des questions susceptibles de l’aider à mieux cerner la source des lésions identifiées.

Outre le fait d’effectuer un entretien avec l’enfant uniquement, le professionnel de santé doit également discuter avec l’entourage du gamin ou sa famille. À ce niveau, les interrogations du spécialiste doivent tourner autour des éléments comme :

  • La nature de la relation avec l’enfant ;
  • L’état de l’atmosphère dans le cadre familial ;
  • Le comportement habituel de l’enfant.

Les situations qui auraient pu affecter l’enfant, les antécédents médicaux familiaux et personnels constituent aussi quelques sujets qui doivent intéresser le médecin.

Procéder à une imagerie médicale

Comme dans le cadre de toute démarche diagnostique, le médecin doit faire un examen et dans ce cas une imagerie médicale afin d’identifier la maltraitance chez l’enfant. Lors des radios, les signes de violence caractéristiques d’une maltraitance sont les :

  • Fractures diaphysaires des os longs par torsion ou par coup direct ;
  • Réactions périostées ;
  • Décollements épiphysaires ;
  • Fractures complexes du crâne et de type métaphysaire.

Il s’agit des lésions qui doivent alerter chez un enfant de quelque âge que ce soit. Lorsque le gamin est un nourrisson, les fractures suspectes sont celles des extrémités et des côtes. D’ailleurs, c’est une radiographie du squelette complet qui doit être réalisé à l’individu à ce niveau.

Maltraitance infantile : La procédure de signalement

Selon les articles R. 4127-43 et 44 du code de la santé publique, le médecin a l’obligation de protéger l’enfant et de lui porter assistance. De ce fait, si lors de la consultation, il diagnostique des signes de violence, le praticien doit effectuer un signalement au risque d’être sujet à des poursuites judiciaires.

Il est également essentiel que la dénonciation se fasse dans les règles de l’art, car dans le cas contraire, une sanction est également possible. La démarche que doit adopter le spécialiste va cependant dépendre du niveau de gravité de la situation.

En cas de situation d’urgence

Ici, deux décisions de la part du médecin peuvent aider à sauver la vie de l’enfant. Il s’agit d’une part de faire appel au SAMU afin que le gamin soit conduit à l’hôpital. Une fois au sein du centre hospitalier, il revient au personnel présent d’effectuer le signalement. D’autre part, il faudra de façon immédiate mettre l’enfant à l’abri.

C’est la solution lorsque la situation est d’une extrême dangerosité. Il faut retenir que mettre l’enfant à l’abri consiste à l’hospitaliser sans délai puis à adresser par courrier et fax une lettre de signalement au procureur de la République après avoir informé ce dernier.

En cas de situation de non-urgence

Lorsque le médecin estime que la situation de maltraitance dans laquelle se trouve l’enfant ne possède pas un caractère urgent, il peut joindre par courrier et/ou fax la cellule départementale de recueil d’évaluation et de traitement des informations préoccupantes (CRIP). Dans ce contexte particulier, la situation est de l’ordre de la compétence de cette institution.

De plus, la CRIP est une source fiable pour élucider les doutes du praticien face à la situation de l’enfant. Outre cela, les décisions concernant le gamin doivent être prises en association avec le médecin de PMI et celui de l’école. Les parents de l’enfant doivent être aussi informés sauf si une telle démarche va contre ses intérêts.

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